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LE CHAT ET LA LITTERATURE
"Si
vous voulez écrire, ayez un chat." (A. Huxley) |
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COLETTE Sidonie Gabrielle Colette 28 janvier 1873 - 1954, dite Colette, est une romancière française, élue membre de l’Académie Goncourt en 1945. Elle fut l’une des grandes amies des chats dans le monde des Lettres. Colette a souvent été prise en photo avec des chats, dans la rue, dans son jardin, à sa table de travail . Elle a dit : « A fréquenter le chat, on ne risque que de s’enrichir" |
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Noir |
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Noir
dans le noir. Plus noir que le noir. Plus noir que le combat des nègres
à minuit dans une cave. Je n'ai pas besoin, pour disparaître,
de me cacher; je cesse seulement d'exister, et j'éteins mes phares.
Mais je fais mieux encore, je dépose mes deux phares d'or au
ras du tapis, flottants dans l'air, visibles et insaisissables, et je
m'en vais à mes affaires... Autres
bêtes, chats de Paris |
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La chatte au miroir | |||
Autres
bêtes, chats de Paris |
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Le petit chat noir | |||
J'ai peu vécu de la vie terrestre, où j'étais noir. Noir entièrement, sans tâche blanche au poitrail, ni étoile blanche au front. Je n'avais même pas ces trois ou quatre poils blancs, qui poussent aux chats noirs dans le creux de la gorge, sous le menton. Robe rase, mate, drue, queue maigre et capricieuse, l'oeil oblique et couleur de verjus, un vrai chat noir. Mon
plus lointain souvenir remonte à une demeure où je rencontrai,
venant à moi du fond d'une salle longue et sombre, un petit
Chat blanc; quelque chose d'inexplicable me poussa au-devant de lui,
et nous nous arrêtâmes nez à nez. Il fit un saut
en arrière, et je fis un saut en arrière en même
temps. Si je n'avais pas sauté ce jour-là, peut-être
vivrais-je encore dans le monde des couleurs, des sons et des formes
tangibles. Le
Chat blanc n'aimait pas mes yeux verts, qui refusaient d'être
l'ombre de ses yeux bleus. Il les maudissait, en les visant de la
griffe. Alors je les fermais, et je m'habituais à ne regarder
que l'ombre qui régnait derrière mes paupières.
Autres bêtes, Chats |
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Le trésor | |||
«
Pauvre ? Vous croyez que mon maître est pauvre, parce que ses
contrevents vont choir au premier orage, parce que son mur chancelle,
et que les vitres n’empêchent plus la bise d’entrer
? Autres bêtes, chats de Paris |
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La fleur | |||
«
Oh ! la jolie fleur dans la vitrine ! Autres bêtes, chats de Paris |
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La chatte | |||
Quand il pleuvait, elle se glissait derrière la grille d'une cave, contre les vitres poudreuses du soupirail, mais la pluie gagnait tout de suite son refuge et elle serrait patiemment sous elle ses maigres pattes de chat errant, fines et dures comme celles d'un lièvre. Elle restait là de longues heures, levant de temps en temps les yeux vers le ciel ou vers mon rideau soulevé. Elle n'avait pas l'air lamentable ni effarée car sa misère n'était pas un accident. Elle connaissait ma figure mais elle ne mendiait pas et je ne pouvais lire dans son regard que l'ennui d'avoir faim, d'avoir froid, d'être mouillée, l'attente résignée du soleil qui endort et guérit passagèrement les bêtes abandonnées. Trois ou quatre fois je pénétrai dans le vieux jardin en râpant ma jupe entre les planches de la palissade. La chatte ne fuyait pas à mon approche mais elle se dérobait comme une anguille à la seconde juste où j'allais la toucher. Après mon départ, elle attendait héroïquement que la brise du vieux jardin eût emporté mon odeur et l'écho de mon pas. Puis elle mangeait la viande laissée auprès du soupirail en ne trahissant sa hâte que par un mouvement avide du cou et le tremblement de son échine. Elle ne cédait pas tout de suite au sommeil des bêtes repues : elle essayait avant un bout de toilette, un lissage de sa robe grise à raies noires, une pauvre robe terne et bourrue car les chats qui ne mangent pas ne se lavent pas faute de salive. Février
vint et le vieux jardin ressembla derrière sa grille à
une cage pleine de petits fauves : matous des caves et des combles,
des fortifs et des terrains vagues, le dos en chapelet avec des cous
pelés d'échappés à la corde, matous chasseurs
sans oreille et sans queue, rivaux terribles des rats. |
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La mère chatte | |||
Un
deux, trois, quatre.... Non, je me trompe. Quel est celui qui se lamente entre le mur et la caisse de géraniums? Je ne dis pas cela parce que c'est mon fils, mais il crie bien. Et pour le seul plaisir de crier, car il peut parfaitement se dégager à reculons. Les autres?... Un, deux, trois.... je tombe de sommeil. Eux, ils ont tété et dormi, les voilà plus vifs qu'une portée de rats. Je m'enroue à répéter le roucoulement qui les rassemble, ils ne m'obéissent pas. A force de les chercher, je ne les vois plus, ou bien mon souci les multiplie. Hier n'en ai-je pas compté, effarée, jusqu'à neuf? Ce jardin est leur perdition. Attention, vous, là-bas! On ne passe pas, on ne passe jamais sous la grille du chenil : combien de fois faudra-t-il le redire? Quand comprendrez-vous, enfant sans instinct, ce que vaut cette chienne? Elle vous guette derrière ses barreaux et vous goberait comme un mulot, quitte à s'écrier ensuite : « Oh! C’était un petit chat? Quel dommage! Je me suis trompée! » Elle a des yeux doux, de velours orange, et souvenez-vous de ne vous fier jamais à son sauvage sourire!... Par contre, je vous accorde d'aller, tous, essayer vos griffes enfantines, encore flexibles et transparentes, sur le flanc coriace et le museau de la bouledogue. En dépit de sa laideur - j'ai honte pour elle quand je la regarde! - elle ne ferait pas de mal à une mouche : c'est à la lettre, car les mouches jouent de sa gueule en caverne, toujours béante, piège inoffensif dont le ressort, chaque fois, happe le vide. Celle-là, roulez sous ses pattes, sous son ventre, cardez-la comme un tapis, profitez de sa chaleur nauséabonde - elle est votre servante monstrueuse, la laide négresse de mes enfants princiers. Petits, petits!... Un, deux, trois.... Sincèrement, je voudrais être de deux mois plus vieille ou de trois semaines plus jeune. Il y a vingt jours, je les avais tous les six dans la corbeille, aveugles et pelucheux; ils ne savaient que ramper et, suspendus à mes mamelles, onduler d'aise comme des sangsues. Une fièvre légère égayait mon épuisement, j'étais une douce machine stupide et ronronnante qui allaitait, léchait, mangeait et buvait avec un zèle borné. Comme c'était facile! Maintenant, ils sont terribles, et quand il faudrait sévir, ma sévérité désarme rien qu'à les voir. Il n'y a rien au monde qui leur ressemble. Si petits, et déjà pourvus des signes éclatants qui proclament la pureté d'une lignée sans mésalliance! Si jeunes, et portant en cierge leur queue massive, charnue à la base comme une queue de petit mouton! Azurés ' bas sur pattes, le rein court, gais debout et mélancoliques assis, à l'image de leur glorieux père. Dans deux semaines, leurs prunelles d'un bleu provisoire vont se troubler de paillettes d'or, d'aiguilles micacées d'un vert précieux. Ils cesseront d'être pareils, l'oeil grossier des hommes discernera les crânes larges des jeunes matous, les nuques minces des chattes et leurs joues effilées; une susceptibilité hargneuse armera contre moi, et moi contre elles, ces petites femelles ingénues.... Quant à leur pelage, je n'en dirai rien, pour ne me point louer moi-même. Sur leur tête dans ce duvet bleu d'orage, quatre raies plus foncées, capricieuses comme les ondes qui moirent un profond velours, s’irisent ou fondent selon la lumière .... Où sont-ils? Où sont-ils? Un, deux .... Deux seulement! Et les quatre autres? Répondez, vous deux, sottement occupés l'un à manger une ficelle, l'autre à chercher l'entrée de cette caisse qui n'a pas de porte! Oui, vous n'avez rien vu, rien entendu, laids petits chats-huants, que vous êtes, avec vos yeux ronds! ... Ni dans la cuisine, ni dans le bûcher! Dans la cave? je cours, je descends, je flaire... rien... je remonte, le jardin m'éblouit.... Où sont les deux que je gourmandais tout à l'heure? perdus aussi? Mes enfants, mes enfants! Au secours, ô Deux Pattes, accourez, j'ai perdu tous mes enfants! Ils jouaient, là, tenez, dans la jungle de fusains : je ne les ai pas quittés, tout au plus ai-je cédé, une minute, au plaisir de chanter leur naissante gloire, sur ce mode amoureux, enflé d'images, où ressuscitent mes origines persanes.... Rendez-les-moi, ô Deux Pattes puissants, dispensateurs du lait sucré et des queues de sardines! Cherchez avec moi, ne riez pas de ma misère, ne me dites pas qu'entre un jour et le jour qui vient je perds et retrouve cent fois mon sextuple trésor! Je redoute, je prévois un malheur pire que la mort, et vous n'ignorez pas que mon instinct de mère et de chatte me fait deux fois infaillible. Tiens!... D'où sort-il, celui-ci?... C'est, ma foi, mon lourdaud de premier, tout rond, suivi de son frère sans malice. Et d'où vient celle-ci, petite femelle impudente, prête à me braver et qui jure, déjà, en râlant de la gorge? Un, deux, trois.... Trois, quatre, cinq.... Viens, mon sixième, délicat et plus faible que les autres, plus tendre aussi, et plus léché.... Quatre, cinq, six.... Assez, assez! je n'en veux pas davantage! Venez tous dans la corbeille, à l'ombre fine de l'acacia. Dormons, ou prenez mon lait, en échange d'une heure de répit - je n'ai pas dit de repos, car mon sommeil prolonge ma vigilance éperdue, et c'est en rêve que je vous cherche et vous compte : un, deux, trois, quatre.... "La paix chez les bêtes", 1916 |
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Qui dit Colette dit... chat! Rares
sont les livres où elle ne les évoque pas. Félins
miniatures dont elle décrit les rêves, les désirs,
les doutes. |
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-La mère chatte La paix chez les bêtes -Poum La paix chez les bêtes -Le matou La paix chez les bêtes -Prrou La paix chez les bêtes -Capucin et Adimah Autres bêtes, Chats -Ernesse Autres bêtes, Chats de Paris |
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